Á la Lune

Á la Lune

Baudelaire 1821-1867

Petits poèmes en prose (1869, posthume)

 

La Lune offensée

 

Ô Lune qu’adoraient discrètement nos pères,

Du haut des pays bleus où, radieux sérail,

Les astres vont te suivre en pimpant attirail,

Ma vieille Cynthia, lampe de nos repaires,

 

Vois-tu les amoureux sur leurs grabats prospères,

De leur bouche en dormant montrer le frais émail ?

Le poëte buter du front sur son travail ?

Ou sous les gazons secs s’accoupler les vipères ?

 

Sous ton domino jaune, et d’un pied clandestin,

Vas-tu, comme jadis, du soir jusqu’au matin,

Baiser d’Endymion les grâces surannées ?

 

- « Je vois ta mère, enfant de ce siècle appauvri,

Qui vers son miroir penche un lourd amas d’années,

Et plâtre artistement le sein qui t’a nourri ! »

 

Les Fleurs du Mal

 



22/06/2017
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