Lorrain (Jean) 1855-1906
Jehan Lorrain
Lunaire
Les rêves du clair de lune,
Frimas blancs dans la nuit brune,
Neigent au bord de la mer.
Sur la falaise, qu'assiège
Un sinistre vent d'hiver,
L'écume éparse dans l'air
Se mêle aux flocons de neige.
Au pied des rocs descellés
Des plaintes et des cris vagues
Montent dans l'ombre et les vagues,
Au sanglot de vents mêlés,
Et blêmes, échevelés,
des fonts implorants de femmes
Tournoient au loin sur les lames
La forêt bleue (1883)
Delvaille, La poésie symboliste
Lunatique
A Edgar Poe
dans l'herbe folle et l'ortie,
La paupière appesantie,
Rôde un chat maigre au poil roux.
Le mur dans l'ombre blafarde,
Où s'entrechoquent des houx,
Se crevasse et par les trous
La lune errante regarde.
Le chat maigre en s'étirant
De sa voix traînante et rauque
Miaule, et dans son oeil glauque
S'allume un feu transparent,
Mirage, où, spectre enivrant,
On voit danser toute nue
Hécate, au ciel inconnue.
La Forêt bleue (1882)